Lors de la guerre du Biafra (région sécessionniste du Nigéria), l’action de la Croix-Rouge est paralysée : le Nigéria, qui refuse de qualifier la situation de guerre, s’oppose à l’intervention de la Croix-Rouge. En effet, celle-ci est associée aux conventions de Genève qui concernent les guerres entre États. Les autorités nigérianes qui luttent contre la sécession du Biafra peuvent croire qu’en autorisant l’accès de la Croix-Rouge aux zones de combat, elles reconnaîtront de facto au conflit le caractère de guerre inter-étatique.
Par ailleurs, l’absolue confidentialité de la Croix-Rouge, que celle-ci s’applique à défendre en tout temps afin de préserver son accès aux victimes sans être accusée de prendre parti pour l’un des belligérants, est très critiquée à la fin des années 1960. Ainsi, certains bénévoles s’offusquent de ne pas pouvoir dénoncer les exactions commises par les belligérants sur les populations civiles.
C’est alors que quelques médecins français, au nombre desquels Bernard Kouchner, prennent conscience des limites de l’action humanitaire sous la bannière de la Croix-Rouge et décident de fonder Médecins sans frontières. Ils inaugurent un mode d’action humanitaire gérée par de petites missions privées qui seront, espèrent-ils, plus proches des besoins des populations et loin des structures pesantes de l’action humanitaire traditionnelle. Sortant de l’absolue confidentialité de la Croix-Rouge, ils considèrent qu’ils seront mieux à même de dénoncer les exactions commises par les belligérants, étatiques et non étatiques.
C’est ainsi qu’est née une nouvelle génération d’organisations humanitaires, créées par des hommes qui ont fait leur apprentissage au sein de la Croix-Rouge mais ont décidé d’en rejeter certaines pratiques, dans l’espoir d’une plus grande efficacité. Depuis, la Croix-Rouge a elle aussi adapté ses méthodes et, sans renoncer à la neutralité qui demande de considérer les besoins humanitaires de chaque victime sans considération pour le camp auquel elle appartient, le CICR publie désormais, en ultime recours, des communiqués de presse tout à fait explicites.